Evénements du passé dans ma région

Cette catégorie a pour vocation de raconter ces petits faits de l'histoire qui mis bout à bout même insensiblement à l'histoire, tout court..

Histoire et mort du premier pont d'ANDE

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Poursuivons ensemble l'histoire, ou plutôt le destin de l'ouvrage dont je vous ai relaté l'inauguration en 1861 dans un précédent billet. (Heuqueville fâché avec le progrès).

Construit pour favoriser les échanges entre les deux rives de la Seine,  sacrifié par les hommes  pour la partie ANDE en 1870, cette fois pour empêcher toutes communications entre la rive droite et la rive gauche du fleuve,( vous en  comprendrez la raison un peu plus loin).  Afin d' aider à  la compréhension de l'histoire de ces ponts, toujours au même emplacement, je vais adopter la chronologie du destin de ces ouvrages, ce sera plus simple.

PONT D ANDE 1861/1870

De toute évidence le récit sera moins épique que pour l'inauguration de 1861, mais l'époque qui s'annonçait était moins favorable à ce genre de manifestations.

Ce pont donc,  qui part de  la rive droite pour venir s'appuyer sur l'Ile' du Bac, ile qui sépare la partie navigable , du  bras destiné  à l'écoulement des eaux du fleuve, s'était bien installé à la fois dans l'esprit des riverains et dans leurs habitudes,  il  rendit plus aisé les échanges entre la population des deux rives , augmenta les contacts, facilita le transport des marchandises, un peu comme, toute proportion gardée, lorsqu'il fût décidé d'adjoindre une route au barrage de la Rance, ce simple fait changea radicalement la vie des habitants de Saint MALO et de DINARD . On pouvait penser qu'il en serait ainsi encore longtemps.... Il n'en fût rien hélas.

Durant prés de 10 ans l'eau coula sous ce pont, le calme succédant aux crues,( une des plus fortes en 1850) on s'acheminait tranquillement vers 1870, du moins le croyait-on......   Mais par la folie des hommes la guerre du même nom éclata, guerre mal préparée qui conduira à un désastre tant en hommes qu'en matériel, et à la perte de la région ALSACE MOSELLE, française depuis le 17éme siécle, épisode qui marqua profondément les mémoires de l'époque.

Ce pont avait 4 arches, en fonte comme  son presque  jumeau de SAINT PIERRE, ce matériau plus léger que la pierre permettait la construction de plus grandes arches, favorisant ainsi la navigation; la fonte était nouvellement employée par les architectes, par exemple dans la reconstruction de la flèche de la Cathédrale de ROUEN qui avait brûlée  en 1822, cette dernière était en bois recouverte de plomb  , Ce fût l'architecte ALAVOINE qui, en 1827 lança ce projet très décrié, par FLAUBERT, MAUPASSANT, etc, etc.., le chantier dura jusqu'en 1876, interrompu à plusieurs reprises en 1848 (révolution) en 1870,  justement,  la révolution et la guerre priva ce chantier de ressources, et bien d'autres causes encore. Lorsque la fléche  de la cathédrale fût terminée elle mesurait 151 mètres de hauteur, un exploit pour l'époque, malheureusement son concepteur ne vit pas la fin de la réalisation, (mort en 1834), mais je me suis laissée emportée, revenons à notre pont...

Nous étions en 1870, la guerre durait depuis fin juillet, l'ennemi se rapprochait dangereusement de notre région, et bien que la France ait capitulé  le 2 septembre 1870,  la République proclamée le 4 septembre de la même année, cette guerre continuait, mais cette fois  d'impériale elle devenait républicaine sous l'impulsion de Gambetta.

Les Français pensèrent couper la route aux Prussiens en faisant sauter les ponts dans la traversée du  département de l'Eure entre 14 octobre et le 7 décembre,  le premier à disparaître fût celui de VERNON,( inauguré en mai 1861) et le même jour COURCELLES et Les ANDELYS terminérent une vie déjà bien remplie.

Le pont d'ANDE sauta le 7 décembre 1870. L'agent voyer cantonal de LOUVIERS, Mr BONTEMPS posa les charges explosives à l'intérieur du fourneau de mine dans la  troisième pile, elle s'écroula en détruisant presque totalement l'ouvrage, ANDE et SAINT PIERRE furent de nouveau séparés .

Malheureusement du fait que le pont de ¨Pont de l'Arche" ne sauta  pas,  ces destructions n'urent pas l'effet bénéfique escompté sur l'avancée des Allemands,comme ce sera d'ailleurs le cas en 1940, où les destructions s'averérent dramatiquement inutiles.    

Voilà donc ce pont à l'eau que faire?

Par une délibération en date du 31 décembre 1871, la décision de reconstruire ce pont fût prise. L'étude en incomba à Monsieur BONNIN , ingénieur civil, agent voyer en chef.  (même système,même constructeur, G.MARTIN)Je ne relaterai pas ici les détails techniques de cette étude, simplement que le choix devait se faire entre la fonte, le fer et la maçonnerie. La décision se porta sur la fonte, une nouvelle fois, mais avec des poutrelles en fer pour augmenter la solidité du nouveau pont;( pour mémoire le pont de SAINT PIERRE DU VAUVRAY avait subi une avarie ,  peu après son inauguration , dont la cause était probablement la fragilité de la fonte).

Mais sur l'heure toujours pas de communication sur la Seine, hormis PONT DE L'ARCHE, les demandes devenaient pressantes de toutes parts. Monsieur BONNIN   qui conduisait l'étude proposa une solution alternative,:  une passerelle en bois qui resterait en place jusqu'à l'achèvement du pont "définitif", acceptation du projet en 1872.

L'édification de la passerelle débuta le 20 février 1872, et sera terminée le 19 juin de la même année. Le constructeur, comme pour le futur pont en était Mr G.MARTIN. Malheureusement l'instauration d'un péage causa beaucoup de mécontentement, mais l'important était que de nouveau on pouvait traverser à pied sec!

Pour la réalisation de la passerelle 5000 sapins furent nécéssaires,  coupés en forêt de Bord, coût de cette passerelle 31.129 Fr environ.

Le 8 septembre 1873 la reconstruction du pont commença par la démolition  des 3 piles restantes, et ce jusqu'au 3 mars 1874. Enfin la construction proprement dite du pont débuta, et le 18 octobre il était pratiquement terminé ;l'épreuve de charge roulante se fit en décembre 1874, Ouf!! il tenait bon, mais pour combien de temps?

Pour mémoire le pont de Saint Pierre avait 109 métres de longueur, celui d'Andé 142. Les piles de rive étaient sur pilotis.

 Coût de l'ouvrage:617.251 fr (reconstruction428.616 fr et démolition de l'ancien188.635 fr 

La plaque de bronze qui avait été apposée en 1861 lors de l'inauguration de l'ouvrage semble avoir disparue, mais qui  sait, un jour peut être......

Voilà  l'histoire de ce pont tout neuf, presque à l'identique, peut être pour faire oublier un épisode douloureux de notre pays, où un loupé de l'autorité militaire??? ..........Nous étions  fin 1874, ce pont avait toutes les caractéristiques pour durer très longtemps, mais une fois de plus MARS  se tenait en embuscade, et par nature il était très patient.............

Nous voilà arrivé au terme de l'histoire de ce pont, sa naissance, sa courte vie, sa destruction, et sa résurrection en 1874, mais  son histoire n'est pas finie, nous y reviendrons.   A bientôt.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HEUQUEVILLE faché avec le progrés....

Toujours sur les mêmes chemins de la petite histoire, une nouvelle anecdocte concernant les voies de communication au 19éme siécle dans notre région,communications rendues souvent difficiles du fait de ce  beau fleuve, la Seine, qui, bien sur et fort heureusement nous a  amené les VIKINGS et leur civilisation avancée;

Au 19éme siécle donc, quelques ponts sur la Seine, certes, mais pas partout,  passer d'une rive à l'autre était souvent difficile,  très souvent il fallait faire appel à un bac peu pratique,  lorsque la Seine était gonflée par des crues cela s'avérait  dangereux;

Il est peut être nécèssaire, pour comprendre l'importance de ce pont, de relater ici quelques précisions sur les bacs en activité, et les voies de communications  avant sa construction; je ne parlerai pas de tous les bacs, seulement ceux les plus proches de Saint Pierre du Vauvray et régulièrement utilisés.

Donc avant ce pont il y avait des bacs sur la Seine permettant de traverser ce fleuve en plusieurs endroits; le bac de Mesnil d'Andé entr'autre, situé à peu prés à l'endroit où le pont  de 1861 fut construit, le passeur en était Mr DUMONT en 1842, bac à cheval et à péage.

Un bac "a voiture" circulait également en 1842, dit "Bac d'Andé". La commune en était le concessionnaire, et le fermier Mr LECOUSTURIER disposait d'un bail de 99 Ans, le pont vint contrecarrer ces dispositions.  Bien que l'accident survenu en 1913 à ce pont en obligea le  rétablissement  durant plusieurs années.

Dans les temps très anciens, vers le 12éme siécle, pour passer la seine il y avait un guet au lieu dit "Le vieux Rouen", appelé guet de Rouen, le vieux Rouen faisait partie de Saint Pierre du Vauvray. Mais la grande voie de communication entre les Andelys et Louviers se trouvait prés de Portejoie. par bac entre Portejoie d'un coté  et Connelles de l'autre.

Avant d'arriver aux Andelys cette voie (Gallo Romaine?) venant de Paris,  

traversait les ANDELYS, remontait vers le Thuit, traversait la"Butte du Chatel, au dessus de la source St Martin, descendait vers Fretteville et Connelles  où là 4 bacs étaient basés pour rejoindre la rive gauche de Portejoie;

 

Le fait d'avoir à cet endroit 4 bacs prouve l'importance de cette voie au 12éme siécle, il y a eu également à cet endroit un pont, mais cela est une autre histoire....Revenons au pont objet de la délibération de 1853 de la commune d'HEUQUEVILLE.

 

Il fût donc décidé par le département, qui ne voulait pas être en reste avec l'Etat, de construire un pont sur les deux bras de la Seine de part et d'autre de l'Ile du bac.  (entre SAINT PIERRE DU VAUVRAY sur la rive gauche, et ANDE sur la rive droire) dés 1853 la construction avait été déclarée d'utilité publique. Monsieur BOULANGER agent voyer en chef du département, fût désigné pour concevoir ce pont, presque identique au pont de Solférino , à PARIS, qui venait d'être inauguré.Je reviendrai  un peu plus loin sur l'histoire de la construction de ce pont, car il  va bien falloir arriver à la raison pour laquelle HEUQUEVILLE était concernée par cette construction.......

 

Considérant que pour favoriser la circulation des personnes, point important pour le travail et le transport des marchandises d'une rive à l'autre, également  devant les demandes répétées des riverains et des communes alentour le préfet de l'EURE lança l'idée de la construction d'un pont, financé par le département, pour cela il demanda une participation  financière aux communes de ce même département.  Certaines comprirent l'intérêt du projet, mais pas toutes, voici la délibération de ma commune HEUQUEVILLE datée du 26 juin 1853, 7 h du matin: 

 

               Délibération  du  Conseil Municipal concernant la construction du pont sur la Seine en remplacement du bac

 

Le  Conseil fait savoir qu'en raison de la construction d'un presbytère, et de  la dépense importante occasionnée par ce fait, la Commune ne peut s'endetter davantage, et refuse de s'associer à la construction de ce pont.

 

Signé:  ROUSSELIN , CARRIERE, DUVAL, QUESNEL, DESPORTES, LESAGE, CHEDEVILLE, Vve DUSSENVEC (? ou VAVASSEUR)JUGENOT dit CHEVALIER,

 

Maire CARRIERE (?) ROUSSELIN adjoint.

 

Etaient présents: Mr LEMESLE Philippe et DEMESLE Nicolas, faisant partie des plus imposés.  

 


Heureusement toutes  les communes ne répondirent pas de la sorte, et je vais maintenant essayer de vous faire entrer dans l'histoire de la réalisation de ce pont dont il est fait mention dans le dictionnaire des communes de 1868 de Messieurs CARESME ET CHARPILLON sous le vocable suivant:

 

       On remarque à ANDE un magnifique pont, jeté sur la Seine par les soins de Monsieur BOULANGER, Agent-voyer en chef du département,

 

        pour le service du chemin de grande circulation n° 41.

 

(je précise pour la forme que les deux ponts ont été construits dans la foulée)

 

 

 

Pour votre information, dans certain document le n° change  pour devenir n° 11, (chemin de Louviers à Mesnesqueville)

 

Mais parlons du pont jeté de la rive gauche, vers l'ile du bac, (cette ile sépare la partie naviguable, du bras qui permet l'écoulement des eaux du fleuve) appelé pont de Saint pierre du Vauvray, il se composait de 3 arches, était construit en pierre et en fonte, matériau peu fiable, on le verra, lors d'un autre récit.

 

La construction de ce pont fut assez rapide semble-t'il, car commencé en début d'année, il fût inauguré en 1861 en décembre,  certains disent en janvier 1862, mais cette précision importe peu. 

 

Le pont d'ANDE comportait pour sa part 4 arches,construit suivant le même modèle et mêmes matériaux. Ils eurent des destins tragiques à des époques différentes.

 

Je faisais état plus haut de l'inauguration de cet important ouvrage pour la région,  en effet cette nouvelle voie ouvrait de grandes perspectives pour la circulation des biens et des personnes, favorisait le commerce , etc, etc et ce,  le préfet de l'Eure de l'époque , Monsier JANVIER DE LA MOTTE l'avait compris , mais  pas HEUQUEVILLE  plus préoccupée par le presbytére que par le progrés en marche........Donc cette inauguration ne fût pas une mince affaire voyez plutôt:

 

Il faut avouer que ce pont avait une fiére allure avec ses  "N" impériaux sur ses piles offertes au vent, et à l'eau quelquefois impétueuse du fleuve. 

 

Les invités d'honneur étaient bien sur Monsieur le Préfet de l'Eure, que l'on nommait le père des pompiers, et de nombreuses personnalités amenées par train spécial ce matin  très froid de  fin  décembre 1861,  jugez en -8°, avec de plus un épais brouillard qui eut des conséquences sur le déroulement des 'attractions" prévues, étaient présents donc:  l'Amiral de la RONCIERE de NOURY,  un Général, un comte Mr d'ARJUZON député et chambellan de l'Empereur , un descendant de BEAUMARCHAIS, un Marquis Mr de BLOSSEVILLE, etc, etc,  Bien sur le Maire de saint Pierre du Vauvray et son conseil municipal , et immanquablement à cette époque l'Evêque d'Evreux, Mr DECOUVOUX, l'Abbé COURSAULT, archiprêtre de Louviers, et les curés des deux communes concernées par l'ouvrage.

 

Une phrase du discours de l'évêque:  Les ponts sont un symbole de la mission conciliatrice du sacerdoce chrétien , on verra une autre fois que cet évêque n'a pas été prophète en son pays ! (1870)

 

N'oublions pas les 1500  pompiers en tenue, à qui étant donné le froid vif, on avait allumé des braseros partout dans la plaine. Le spectacle devait avoir un certain panache, n'est ce pas?

 

Remise de décoration, inévitable, l'auteur du projet Mr CHEVALIER fût décoré à cette occasion.

 

En ce qui concerne les festivités, défilé des Pompiers en grande tenue, acrobaties de l'aéronaute  GODARD, s'exerçant au trapèze accroché sous la nacelle du ballon, mais hélas il disparu très vite dans l'épais brouillard, déception générale!

 

Vint enfin la  bénédiction , sous un arc de triomphe dressé à cet effet ,l'Evêque d'Evreux fit son discours, et il eut cette phrase:

 

Le fleuve est vaincu, cependant Messieurs les Maires, les oeuvres des hommes sont fragiles et Dieu seul peut en assurer la durée..

 

Vous constaterez dans un autre billet  que la bénédiction n'a pas eu le succès escompté  en ce qui concerne les ponts.

 

Les pompiers pour leur part, frigorifiés de l'extérieur, mais très réchauffés de l'intérieur  à en juger par une phrase prononcée  lors d'un autre discours 62 ans après, à l'inauguration d'un autre pont par Mr LABELLE qui relatait que le lendemain du 29/12/1861 ,on trouvait encore ça et là dans les fossés, des pompiers" endormis sous la rosée matinale, qui achevait de ternir les jolis cuivres de la veille".

 

Me voilà presque arrivée à la fin  de l'histoire de ces ponts ayant un lien avec HEUQUEVILLE  , hélas 1870 arrivait, et les ULHANS se profilaient à l'horizon, si  l'eau continua à couler encore pendant plus de 40 ans sous le pont de Saint Pierre ,il en fût bien autrement de son presque jumeau, le pont d'ANDE. L'histoire ne s'arrête pas là, je vous la raconterai une prochaine fois..

 

mais en tout état de cause il est dommage  que la commune d 'HEUQUEVILLE n'ait pas voulu s'associer à ce nouveau moyen de communication, et n'ait pas fait sienne la maxime:  Il suffit de passer le pont........

Pour la petite histoire, encore, il est à noter que l'agent voyer qui a établi les plans du presbytère d'Heuqueville est le même qui a fait ceux du pont de 1860.

 

J'espére vous avoir mis en appétit quant à l'histoire de ces ponts, trés mouvementée et souvent tragique, donc à bientôt.

 

 

 

 

 



 

 

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